Territoire Féminin

Je viens aujourd’hui vous parler de ma vision, de ma respiration du territoire féminin, de la terre intérieure des femmes, plus communément appelé l’utérus.

Le berceau de l'humanité

Je pourrais vous chanter, vous danser mon amour, mon dévouement, tellement cette passion sauvage est vibrante dans mon âme. La Terre intérieure des Femmes. N’est-ce pas merveilleux que nous, Femmes, ayons dans le creux de notre ventre, un organe qui est en fait le berceau de l’humanité. Le Berceau de l’Humanité.

C’est aussi d’où je viens, Ma Terre Ancestrale, mon Congo Originel. Et je suis née au Québec. Je suis Fière Héritière et Dépositaire de deux Terres Fertiles pour me construire. La Nostalgie du Siège de la Puissance de mes Ancêtres m’amène à suivre toutes les pistes qui me conduiront à eux, jusqu’à faire pousser des racines sur ma tête. Je veux connaître l’Origine de la Vie et la Sagesse Primordiale sous toutes ses formes. Cette Soif du Souterrain m’a conduite jusque dans mon ventre, où tout est là; l’Histoire de l’Humanité, ma Lignée de Femmes, mon Héritage. Mon Ventre, mon Utérus est le réceptacle vivant de l’Essentiel orné de Tâches de Gouttes de Sang de Vie et de Mort inlavable, dont Moi JUSTE Moi, suis l’Héritière et la Responsable d’humer et d’exhaler leur parfum. Je PUISE dans mon Ventre, Je TIRE ma Force de là, un Trésor qui ruisselle des Vestiges du passé, laissés par les Anciennes, fait d’Or et de Terreur. Tout vit en mon sein. Je me sens Privilégiée de cette découverte et je veux vraiment vous partager ce qui m’ensoleille du matin au soir, ce qui fait battre mon cœur et est ma précieuse trouvaille. Tout d’abord, laissez-moi encore vous parler de moi…

Je suis LAURA TSHILUMBA, portant l’empreinte du féminin dans sa royauté et sa blessure originelle, alors je pleure encore une fois, violée, abusée, déchirée, découpée, excisée, pillulisée, vaccinée, anesthésiée, tant le torrent à douleur coule blessé dans mes racines depuis si longtemps. Alors je reste à l’Entrée de la Porte, j’ai peur de rentrer dans mon Royaume; un Concert Assourdissant est en cours, cela dépasse mon entendement, j’ai peur de me perdre dans son Immensité, peur d’être aveuglée par sa Beauté, anéantie par sa Puissance. Oui j’ai peur d’être Anéantie.

Tout à coup, une Promesse m’est soufflée; si tu pénètres ta Mémoire de Dignité te sera Délivrée, tu connaîtras tes vibrations, tes parfums, les danses impromptues de ton utérus. Alors Je me Dresse, je fais Confiance que je reviendrai Ruisselante de vie; je Pénètre dans la nuit des temps, je Vole en État de Grâce, je suis portée par une énergie pure, haute et subtile. Je goûte au Mystère. Parfois, en secret, je caresse le Ventre de ma Grande-Mère… Celui de ma Mère… j’imagine les Rondeurs de mes futures filles… et de l’une à l’autre, de toutes celles dont j’ai croisé un jour le regard, jusqu’à celles, qui à l’autre bout du monde soupirent dans l’enfantement… Je voyage. Je connais leurs rêves et leurs tourments. Je prie avec elles pour la paix du monde et le bonheur de leurs enfants. La Terre, le Principe Féminin, la Libération de la Femme.

C’est quoi être une Femme Libre? L’histoire me rappelle quelques bribes, le droit de vote, l’émancipation professionnelle, l’accès aux moyens de contraception… Mais une intuition étincelante me vrille à terre, une question sourde et profonde m’anime : qu’en est-il de l’état de l’utérus des femmes? En parlons-nous? Symptômes reliés au cycle menstruel (SPM), cycle irrégulier, endométriose, maladie des organes génitaux féminins, douleurs aux seins, malaises physiques et émotionnels reliés aux changements hormonaux, états dépressifs, anxiété, insomnie, bouffées de chaleur, insatisfactions ou blocages sexuels, troubles de la fertilité. D’un point de vue médical, ces maladies sont considérées comme normales. Mais d’un autre côté, je crois que vivre en étant malheureuse, négative, pessimiste et en remettant nos corps et notre santé entre les mains d’un médecin est une attitude qui montre à quel point la femme est déconnectée de son potentiel féminin. Comment expliquer cela?

Ma mère, mon miroir

Une sexologue, Maitreyi D. Piontek, mentionne ceci : «Le manque d’éducation sexuelle dans l’enfance par la mère pour la permettre d’avoir un utérus vivant fait que la petite fille est construite sexuellement comme sa mère et elle héberge alors aussi ses pathologies. La méconnaissance de ce processus fait que, pour un grand nombre de femmes, les énergies se bloquent dans le fond du vagin en y provoquant de très fortes douleurs[1]». Ainsi, il devient important, pour devenir souveraine dans notre royaume-utérus, de guérir notre relation mère-fille. De faire un voyage à la mèr pour se laver de tout bien, désiré sans avis, pris sans avis, donné sans avis, reçu sans avis. Comme le dit Nicole Friday dans le livre Ma mère, mon miroir : « en exprimant d’une certaine manière, à propos du sexe et de la maternité, en éprouvant en même temps des sentiments contraires sur les deux points, la mère présente à sa fille une image énigmatique d’elle-même[2] ». Ainsi notre problème vient du fait que nous essayons de vivre à fond toutes les parties du triple message qu’elle nous transmet; si bien que notre comportement et notre vie ne sont trop souvent qu’un compromis discordant. Nous ne savons que faire. Nous défaisons les premiers boutons de notre robe, puis, très vite, nous nous reboutonnons.

Il devient alors primordiale de partir à la recherche de sa dignité dans sa Sexualité la plus Crue, braver tout un héritage d’interdit, guérir l’incompréhension, recevoir la clé de passage, reprendre son pouvoir. À mes yeux, c’est cela la Vraie Révolution Sexuelle. Et bien sûr, dans notre utérus, il n’y a pas juste des histoires terrifiantes, mais aussi tout notre Pouvoir de Femme Créatrice, de Femme Aimante, de Femme Sexuelle, de Femme Orgasmique. Une autre chose qui me fascine est que nous ne pouvons pas « voir » notre propre utérus, nous pouvons seulement le sentir. La beauté de cela, c’est que se développe ainsi la capacité intime de sentir et éprouver intérieurement; notre capacité d’écouter la vie à l’intérieur de nous et de développer une attitude d’accueil de nous-mêmes. Lorsque nous habitons pleinement notre utérus, nous nous connectons à une partie profonde de nous-mêmes, nous pouvons trouver la richesse et la paix profonde en nous quand nous prenons le temps et l’espace nécessaire pour rester en silence dans l’exploration de notre intimité, à découvrir la vie qui est là, sous toutes ses formes.

Nous sommes alors capables de plonger intérieurement en conscience au plus profond de notre psyché féminine et ainsi de commencer à nous donner naissance à nous-mêmes dans le monde. Je comprends maintenant pourquoi cette sexologue dit que la Libération de la Femme est une Implosion, une Floraison Intérieure, car notre Lieu Sacré est tellement bien fait qu’il peut juste s’ouvrir du dedans. L’utérus de mon utérus est inviolable, c’est seulement quand il y a cette harmonie, cet accord, quand toutes les cellules disent oui, que l’utérus délivre sa clé de passage, qu’il y a autorisation à la pénétration. Je me suis remémorée ces conversations avec mon utérus, ces mots : Sécurité, Confiance, Sacré. J’ai compris que même le meilleur des amants ne pourrait pas m’offrir cette sécurité, car elle réside à l’intérieur de moi, que j’ai besoin de la développer, pas à pas. Oui qu’en fait, notre bien-être sexuel ne dépend pas d’un ou d’une partenaire, qu’il est avant tout une affaire personnelle à cultiver qui amène la paix, la joie et l'harmonie.

Laura Tshilumba, fondatrice de Fleur de Yoni

[1] PIONTEK, Maiteyi. Les secrets de la sexualité féminine, Paris, Le Courrier du livre, 2006, 361 p.

[2] FRIDAY, Nancy. Ma mère, mon miroir, Paris, Éditions Robert Laffont, 1979, 409 p.